jeudi 22 juillet 2010

J'ai testé pour vous : la glace à l'azote liquide

Chin Chin Laboratorists a ouvert il y a quelques semaines à Londres, en plein Camden Lock, soit un choix plutôt judicieux puisque le passage de touristes est ici incessant, entre les punks à pics et à crête et les rastas yeah-yeah. Chin Chin est le premier glacier à azote liquide, un rescapé de la vogue techno-émotionello-moléculaire, bien installé dans un mini laboratoire sympathique version Ikéa.

Peut-être avez-vous déjà goûté une glace réalisée à l'azote, et peut-être avez-vous réalisé que ça n'avait rien de bien révolutionnaire, juste un refroidissement instantanné qui fait son petit effet grâce aux belles volutes de fumée qui se dégagent. Mais l'idée d'en faire un business est originale, et j'avais hâte de savoir comment les créateurs avaient organisé la chose.

Pas de machinerie abracadabrantesque ni de chef Marxien dans le coin : un réservoir d'azote, 3 Kitchen Aid, voilà pour les outils. L'accueillant Ahrash chausse ses lunettes et enfile ses gants de protection, et c'est parti. L'azote cryogénique est mélangé avec la base d'anglaise (3 parfums : vanille Madagascar, chocolat Valrhona 66% et celui du jour) et hop, c'est prêt. Y a plus qu'à choisir ses toppings, coulis de framboises et cacahuettes caramélisées pour moi.


Pour £3,95, on a quoi ? Une texture dense et veloutées dûe aux minuscules cristaux, parfaitement lisse, comme j'aime. J'ai regretté d'avoir choisi le chocolat au moment même où je le disais (hors de l'extra dry, point de salut) mais l'ensemble était franchement honorable.

ça reste une adresse anecdotique - je suis plutôt du côté des glaciers aux milles parfums, l'angoisse du choix décisif dans la queue, les "heuuuu non en fait heuuu je vais prendre plutôt pistache crème nougatine fleur de lait ! heuu non attendez !" - mais plaisante si l'on est dans le coin.

Allez, avant de m'envoler vers le paradis de la figue, je continue ma quête d'un glacier londonien rivalisant avec Mary ou Pozzetto ...

samedi 17 juillet 2010

Dinings, le secret le mieux gardé de Londres


Un soir de petite faim, errant dans les rues alentours de notre very sweet home, on aperçoit la façade d'un resto à peine éclairée. Il ne paie pas de mine, mais fait bonne figure, avec ses airs de voisin de quartier bien propre sur lui ; à travers les vitres et les ombres, on distingue un comptoir, quelques tabourets, des plateaux de sushi et de sashimi. Un petit jap’, why not, on tente ?
A notre demande, la serveuse - modèle réduit - réplique, éberluée, qu’il faut réserver at least deux ou trois semaines à l’avance. WTF ?

Il n’en fallait pas plus pour exciter ma curiosité, réservation est prise : mais que cache donc ce petit Dinings ?

La salle de poche dissimule l’escalier qui mène au sous-sol. Point de fioritures décoratives, quoique l’association béton et bois brut, tendance recessionista automne-hiver 2010, ait son charme.


Fichtre, s’il y a bien quelque chose qui me tourmente au restaurant, ce sont ces cartes infinies où s’étalent des appellations énigmatiques. Mais, vaille que vaille, on se lance, papilles conquérantes.

Le secret de Dinings, c’est son chef, Tomonari Chiba. Formé chez Nobu, il fait dans le sushi, sobre ou fantasque, mais surtout dans les tapas japonaises. On lit " Izakaya meets Europe ". Izakaya, quoiquesse ? On me souffle dans l'oreillette que l'izakaya occupe au Japon la place qu’occupe en Angleterre le pub ou le bar à tapas en Espagne. Comprenez ici : des mini portions exaltées, des concentrés de saveurs et de textures, franches et rondement menées, dans un cadre décontracté.



Pour nous mettre en bouche, quelques pickles de légumes et une soupe miso. Oubliez ce qu'on vous a sûrement déjà servi, ces trois algues réhydratées en eaux troubles ; non, on a affaire à autre chose, un breuvage suave qui purifie le palais de tous ses péchés et le prépare à accueillir la suite.

La suite ?



Un tataki de bœuf wagyu, sauce ponzu et huile de cèpe (£12,95), comme un bonbon, une douceur. Cuit-cru. Tout juste saisie, la viande est grisante de saveur, elle fond doucement en s'enrobant de l'acidulé de l'agrume et de la verdeur de la ciboulette. Une claque de justesse, en tiède majeur.



Une mini poêle débarque, surface marbrée de vert et d'orangé : crabe royal, avocat, sauce épicée au piment jalapeño (£9,25). On attaque en plongeant dans les profondeurs : l'avocat tiède est comme une évidence, la chair fond et habille le crabe d'une robe onctueuse, relevée, titillant les papilles sans les attaquer. Entre les strates, les milles petites herbes donnent le change à la richesse par petites touches pimpantes. Finger-licking good.

Il y eut d'autres plats et d'autres repas avec une autre gourmande, il y eut un bar vapeur sauce haricots noirs explosif, des saint-jacques gracieuses, des légumes verts vapeurs enrobés de sauce soja et d'une pointe d'huile de truffe, comme cueillis minute, et des noodles pimpantes et frétillantes.

Il y eut surtout un final mémorable et brillant, l'équation du délice, la quintessence du dessert. Onctueux, croquant, tiède, glacé, tout y est : crème dense et peu sucrée au sésame noir, douce glace vanille, miettes sablées de shortbread, écume évanescente de caramel. L'équilibre est parfait, je suis : comblée.



Avec une carte de vins et saké honorable, un service délicat et attentionné et une addition modérée, la question reste : est-il bien dans mon intérêt de vous refiler le tuyau ?

Allez : Dinings,
22 Harcourt Street, London W1 - +44 (0)20 7723 0666
Comptez 40£ par personne

Bonus photo du site web, l'éclairage des miennes ne rendant pas hommage à ces petites perles :




lundi 14 juin 2010

Mon food-toy et moi


Comme toute bonne foodista qui se respecte, j'ai mes phases et mes fixettes. Fixette ingrédient, fixette recette, fixette cuisson, fixette récipient, fixette couleur, fixette fixette fixette.
La fixette débarque un jour, se laisse exploiter jusqu'à la moelle aux grés de mes pérégrinations culinaires, puis entre dans le clan des habitués, ou repart tranquillement dans les abymes des retoqués, c'est selon.

Rendons, entre autres, hommage à l'or vert pandanesque, au divin flan, à la moelleuse viennoise, aux muffins dodus, à la perfection du 65° degré, à la mandoline, à la microplane, à la vapeur, au déshydrateur, au sésame noir, au matcha, au dieu Kitchen Aid (rouge !), au thermomètre, au yuzu, sudashi, azuki, enoki, ponzu, tofu, koshu, kinako, j'en passe, et des meilleurs.

Ma dernière fixette en date, j'en rêvais depuis tellement longtemps ... La nuit des temps, au bas mot. Je rêvais à lui, je pensais à tous ces moments intenses que je pourrais partager avec lui, ces pures sensations, ces instants d'excitation et de chaleur.

Car mon nouveau food-toy est chaud bouillant. Un corps ferme et bleu, une tête fine et noire, une puissance de feu dans un si petit corps ... j'ai nommé : le chalumeau.


Je me suis bien amusée. J'ai caramélisé, brûlé, calciné, doré, cramé, incinéré, embrasé, allumé, attisé. Un peu tout ce qui me passait sous la main. Il semblerait que tout le monde n'apprécie pas dîner du carbone tout les soirs. Je mets donc le chalumeau en pause pour le moment. J'y reviendrai.

En attendant, de deux choses l'une :

* maquereau brûlé : après avoir passé quelques heures à lever le filet puis quelques autres armé d'une pince à épiler, on pose le filet côté chair dans une poêle à peine tiède, puis on passe la peau au chalumeau, le temps qu'elle se rétracte et crépite. On sert avec des petits légumes et une pointe de yuzukoshu.


* crème brûlée au sésame noir : on mélange de 25cL de lait et 25cL de crème dans une casserole, avec 40g de pâte de sésame noir. On chauffe, on mélange bien, et on verse sur 6 jaunes d'œufs et 100g de sucre blanchis. On replace le tout à chauffer quelques instants, puis on répartit dans de petits ramequins qu'on place au four à 150° au bain-marie, une bonne trentaine de minutes. On laisse bien refroidir au frais. On saupoudre de sucre, on chalumeaute, on laisse re-figer quelques minutes, et on sert. Miam.


mardi 11 mai 2010

(Pas grand chose) Et quelques radis.


Il fait froid. Mais.

Mais il y a des fleurs,
des douceurs japonaises, et des radis aux allures danoises.




Ces petites choses douces et rondes sont des monaka, un wagashi fait de deux très fines gaufrettes à base de farine de riz, fourrées de pâte d'azuki. Très sucré, mais très réconfortant.
Cela m'amène donc à : Où trouver des produits japonais à Londres ? Et je vous réponds : Japan Centre 14-16 Regent Street - London SW1

***


Les petits radis plantés dans la terre, noma style, font leur petit effet sur table, certes, mais sont surtout excellents.


***
Pour 6 personnes

une botte de radis avec leurs fanes
pour la terre : 2 fines tranches de pain de seigle, une noisette de beurre salé
pour la crème :
150gr de fromage frais (ricotta pour moi)
50 gr de yaourt
sel, poivre
1 grosse poignée d'estragon
1/4 de jus de citron

Laver les radis et les sécher. (au besoin, couper quelques fanes)

Faire (bien) griller le pain de seigle puis l'émietter et le repasser à la poêle jusqu'à ce qu'il soit complètement sec. Le broyer au mortier pour obtenir une poudre grossière, puis faire revenir ce mélange avec une noisette de beurre salé. Réserver.

Broyer l'estragon au mortier et mélanger avec le fromage frais et le yaourt. Assaisonner avec le jus de citron, du sel et du poivre.

Dans de petits pots, répartir la crème à l'estragon, planter quelques radis et recouvrir avec la terre.

***

Je tente de retrouver une "vraie" recette de pain de seigle danois, humide, dense et parfumé. Je n'y suis pas encore tout à fait, mais pas loin. Si j'ai trouvé les grains de siegle concassés, j'ai omis la bière danoise, sombre et caramélisée.

Ce qui m'amène donc à : Où trouver des produits nordiques à Londres ?
Et je vous réponds : Totally Swedish, 32 Crawford Street, W1H 1LS

***

Je reviens bientôt avec mon nouveau food toy, et des aventures très ... chaudes !





jeudi 29 avril 2010

Patriiiiick, l'interview ! (avec de vrais morceaux de chocolat dedans)


Pour les deux du fond n'auraient pas suivi, je répète : le chocolat et moi, c'est une longue histoire. Car voyez-vous, j'ai été très bien élevée par une maman Cookie totalement chocoholic ...

Résumé des épisodes précédents : avant, à la maison, on était Maison du Chocolat, puis s'en suivit une longue et belle période JP, ses macarons amers et ses rochers. Reste également dans mon coeur le what else du chocolat, Pascal Le Gac. Sans compter l'épisode chocolat chaud Angelina, les chocolats homemade et hyper hype, ou ma récente orgie de Chocolaterie de l'Opéra.

Après JP, donc, il y a, un jour, l'arrivée de Patrick. Patrick Roger et ses rochers pralinés, ses orangettes, ses ganaches citron, citron vert, citronnelle, thym citron ... Patrick et sa tablette pralinée ... Patrick et son pavé de mai ... Patrick et sa danseuse.

Passer de ce côté-là de la force, c'est y rester à jamais, soyez prévenus.

Et comme j'ai eu le plaisir de passer quelques moments en sa compagnie pour la newsletter CCDessert, je vous fais partager les quelques mots du maître.

***

Patrick Roger : chocolatier artiste, artiste chocolatier, indissociablement. La fantaisie qui règne dans cet univers ne saurait exister sans la rigueur extrême nécessaire à la maitrise de cette matière délicate. Ces deux facettes, l’une et l’autre guidées par le goût et l’émotion, sont réunies à Sceaux, sous le toit de l’ancienne imprimerie qui abrite le laboratoire flambant neuf de Patrick Roger.


Les grands volumes permettent de loger sans accrocs les pièces insolites de l’artiste chocolatier, qui s’accumulent au fil des années : ici de petites Fanny alignées, radieuses danseuses aux formes gourmandes et sensuelles, là d’immenses ours polaires, comme pris sur le vif.


Dans le jardin poussent une partie des herbes aromatiques qui seront utilisées pour la confection des ganaches, tandis que dix ruches s’apprêtent à fournir leur première récolte de miel, que Patrick Roger compte bien intégrer à la recette d’un bonbon. Le goût, vrai et juste, voilà le mot d’ordre du maître, résolument à part.


Vous êtes Meilleur Ouvrier de France depuis 2000, ce qui peut paraître paradoxal pour votre personnage ; pourquoi avoir voulu passer ce concours ?
Parce que ça occupe ! Plus sérieusement, c’est une exigence technique qui fait avancer. Mais ce n’est rien d’avoir le MOF, il faut surtout rester digne du titre sur le long terme. Rester au top, c’est cela le vrai défi.

Comment êtes-vous tombé dans le chaudron de chocolat ?
Je suis entré dans le monde du chocolat par hasard. Mes parents m’ont mis en apprentissage en pâtisserie, puis je suis entré chez Mauduit à Paris. A l’époque, en 1986, l’apprentissage, la pâtisserie, c’était la voie de garage. C’est là que j’ai découvert le chocolat. En réalité, c’est le chocolat qui va me découvrir. C’est la matière avec laquelle j’ai compris que je pouvais construire ma vie, et le reste. Le chocolat est un passeport pour le monde.

Où puisez-vous votre créativité ?
Les démarches de « création » et de chocolatier sont indissociables. C’est le hasard total qui me guide, le goût de la découverte. Je m’inspire de tout ce qui m’entoure : les goûts, les rencontres, les gens, les produits. Tout ce que l’on voit est une source de créativité.

Comment définir votre ligne de goût ?
J’ai des goûts très simples, le goût des choses justes, des produits du jardin ... Ce qui est important, c’est la justesse et l’équilibre des saveurs.

Le goût – ça s’apprend ?
Je ne sais pas … je ne crois pas. C’est une question de perception et de sensibilité ; je crois qu’une grande partie est innée.

Le goût de votre madeleine ?
Le chausson aux pommes. Et la pâte à chou, tout juste sortie du four …

Le goût de votre plus grande découverte ?
Le foie gras poêlé, chez Bocuse.

Un moment ou une occasion privilégiée pour le chocolat ?
Vers 21heures. Mais surtout avant les repas, lorsque le palais est disponible. C’est comme pour les desserts, les pâtisseries : on ne peut jamais profiter d’un dessert qui arrive après un repas, à un moment où l’estomac est plein et où l’on est saturé en goûts, il faut des moments à part.

S'il ne devait en rester qu'un ?
Tout ce qui est ici est bon ! Mais le rocher praliné reste un favori.

L'avenir ?
L’avenir, c’est continuer à créer le goût, et à le transmettre.
Nous avions pensé au Japon, mais il y a beaucoup de chocolatiers français là-bas, et le marché fonctionne énormément grâce aux médias et à l’effet de mode, qui ne dure généralement que 2 ou 3 ans.

Êtes-vous un homme heureux ?
Plutôt, oui !

***

Patrick Roger : infos et adresses