Donc, longtemps, j’ai détesté Noël. Souvent, à peine le repas entamé, mes yeux tourbillonnaient si vite entre les convives que je n’avais pas le temps de me dire « Mais qui est-ce qui a commencé à ressortir les vieux dossiers ? » que déjà le combat avait férocement commencé. Et oui, c’était l’époque où nous persistions à "fêter" Noël en famille – traduction : pas le temps de finir le foie gras que déjà une bataille de haricots verts a commencé, les patates s’écrasent sur les murs, on essaie de noyer son voisin sous le champagne ou le rouge qui tâche, selon les années. Bref, pas la joie, et quel gâchis, quand je pense à ces pauvres haricots …
Depuis peu, on a trouvé une VBI (Vraie Bonne Idée) : le Noël restreint.
Ce qui est bien, quand on fait un Noël restreint, c’est que les cadeaux aussi sont restreints, donc mieux. Ce qui est bien aussi, c’est qu’on (je) peux imposer mes choix culinaires. D’autant que ça les arrange bien, puisque Papa-Maman-Petite sœur-Gros chien ont d’autre chose à faire que cuisiner : siroter du champagne, observer minutieusement les formes et tailles des paquets cadeaux, se prendre pour des campagnards avec le feu dans la cheminée, se parer de colliers de guirlandes : bref, apprécier l’esprit de Noël.
Moi aussi, j’apprécie de n’avoir ni grosse dinde, ni d’huîtres à ma table. Foie gras, passe encore, mais plus pour le pain d’épices que pour le foie. Avant et après ça, c’est mon choix …
Alors je me suis lancée dans un apéro fun : tranche de radis noir, poire et roquefort. Dans un plat monochrome : saint jaques et écrasé de panais et topinambour. Et un dessert attendu : bûche Jean Paul Hévin (ça vient).
Ces pauvres petits légumes oubliés font un retour en force : qui n’a pas entendu au détour d’un étal de marché – parisien – « Oh, la salicorne, et le ficoïde, j’adooore, ça me rappelle mon enfance paysanne aux fins fonds des Hauts-de-Seine, quand Grand-maman revenait en sueur de la Grande Epicerie les bras chargés de ce qu’elle s’apprêtait à faire transformer en mets exquis par Mireille, feu notre cuisinière », ou lu sur un menu – parisien – : « Espuma de mousseline de crème de cardons aux truffes blanches du Tadjikistan sur son lit d’orties sauvages et tétragones, émulsion d’huile d’olive extra vierge² » ?
Allez, assez rigolé (ben allez, rigole), j’ai eu envie de boboïser le menu, moi aussi. Les radis noir, ça je connaissais : c’est très moche et très noir au premier abord ; très bon, très blanc et très piquant après. Les topinambours aussi, je connaissais, vu qu’effectivement, mes grands-parents en ont dans leur jardin. Mais le panais (Pastinaca sativa L. subsp. Sativa, pour info), ça … ça fait un peu peur, mais c’est vraiment top. La preuve, Charlemagne (mais si, tu sais, le con qui a prétendument inventé l’école) était fan. On dit aussi que les français avaient l’habitude de nourrir leurs cochons avec. Mais comme vous le savez, rien ne m’effraie (sauf un peu quand même les perroquets mais c’est une autre histoire).
Alors, pour accompagner le champagne, et faire patienter au moins 5 minutes avant les cadeaux - oui, nous, on est pas le genre à attendre ni minuit (trop plein d’alcool nuit à la joie pure), ni le lendemain matin (trop plein d’alcool nuit à la tête) , ces petites choses de radis noir, poire et roquefort, qui ma foi ont eu un franc succès (mais peut-être ont-ils répondu « oui, oui, c’est exquis, chérie » pour pouvoir passer aux cadeaux).
Passons sur le foie gras à l’ancienne moulé à la louche au torchon à carreaux rouge et blanc /pain d’épices pour s’attarder un peu sur le monochrome. La purée (écrasé vu que pas de presse-purée dans cette cuisine) était vraiment top, légèrement sucrée ; l’essayer, c’est l’adopter. Quand aux Saint-Jacques, depuis que j’ai compris que ça se faisait cuire pas plus de deux minutes, c’est vraiment bon. Avec un tout petit peu de gingembre, histoire de.
Et la bûche, me direz-vous ? Ben oui, et la bûche ? La bûche Jean-Paul Hévin que j’ai choisie était la Green Bûche : « base de riz soufflé au chocolat au lait et à la crème de noisettes, biscuit cacao et sésame, crème brûlée au yuzu et mousse au chocolat au thé vert matcha ». Ça sonne bien. C’est ce que je me suis dit. Bon, c’était pas mal, mais malgré mon adoration pour JP, je dois avouer que j’ai été un peu déçue. Je dirais juste que c’était un peu léger, à la fois en saveurs et en textures. L’erreur est humaine, même pour un Dieu.
Mais on s’est bien rattrapé sur la boîte de chocolat Patrick Roger, le demi-Dieu en voie de divinité totale. Etonnants mélanges (menthe poivrée et citronnelle, pâte d’amande chocolat noix, praliné, gingembre, réglisse, baie de Séchuan, caramel et prunelle … ), textures parfaites, packaging magnifique. Et la cerise : le fond de la boîte est une fine tablette de chocolat aux éclats de fèves …
Comme un bon repas n’arrive jamais seul (nouveau proverbe 2008 hyper hype, en exclusivité pour vous), le lendemain, je me suis fait une joie d’utiliser la truffe (enfin, les 4 mini mini truffes - tout le monde n'a pas la chance d'être le meilleur pote de Vincent Bolloré) qu’un des convives avait eu la chance de recevoir en cadeau (geste totalement désintéressé, je suppose) pour faire mon premier risotto aux truffes. Gros stress quand même – foirer un risotto (1), aux truffes (2), et le cadeau dudit convive (3) – mais, en restant bien collé le nez à la casserole, ça marche comme sur des roulettes.
A refaire encore et encore (envoyez votre trop-plein de truffes à lecookiemasque@mail.com)
taille réelle : première phalange du riquiqui
Et ben voilà, Noël est passé, plus que le Nouvel An à passer et c’est reparti pour un tour. Je sais pas vous mais 2008, je la sens bien : 2+0+0+8 = 10 = 2+2+2+2+2, et tout le monde sait que le 2 est le chiffre le plus sympa.
Et au fait, joyeux noël …
Chocolaterie Patrick Roger
108 bd Saint-Germain – Paris 6ème
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Saint-Jacques poêlées au gingembre, écrasé de panais et topinambours
Pour 4 personnes :
3 panais
5 topinambours
1 gousse d’ail émincée
un peu de beurre
sel, poivre
Eplucher les légumes. Faire cuire les topinambours 20 minutes et les panais 15 minutes dans une casserole d’eau bouillante. Egoutter et écraser à la fourchette (d’où le « écrasé » et non la « purée »). Ajouter la gousse d’ail et un peu de beurre. Assaisonner et remettre dans la casserole jusqu’au moment fatal (du service).
Pour les saint jacques
16 noix de Saint-Jacques
une échalote émincée
1 cm (un peu quoi) de gingembre émincé
1 cs d’huile d’olive
Faire revenir l’échalote et le gingembre dans l’huile. Poêler les saints jacques une minute sur chaque face (ou 2, pas plus).
Servir illico
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Risotto aux truffes
200 g de riz rond (de préférence Arborio, mais y avait pas ça au Super U local)
50 cL de bouillon de volaille
1 belle truffe (ou 4 minuscules de la taille environ de la première phalange de votre riquiqui)
1 échalote
parmesan
1 peu de beurre
Faire chauffer le bouillon – qui devra rester à température constante durant tout le temps de la recette : CAREFUL.
Faire revenir l’échalote dans un peu de beurre dans une casserole. Ajouter le riz, mélanger jusqu’à ce qu’il soit translucide.
Recouvrir de bouillon tout en mélangeant. Ajouter du bouillon dès que le liquide est absorbé, durant environ ¼ d’heure.
Pendant ce temps, hacher les truffes.
A la fin de la cuisson, ajouter du parmesan et les truffes. Mélanger et assaisonner.
Servir illico et enjoy.