mardi 12 août 2008

Semaine 1 : bilan – Caviar de poivron aux noix et tuile au parmesan et sésame noir

Un café avalé aussi vite que ma mâchoire me le permet à 4h50 (du matin, oui oui), et c’est parti pour la rue de Rivoli, numéro 226. Enfin non d’ailleurs, l’entrée de service, c’est derrière.
Veste, pantalon, tablier, chaussures de sécurité, sans oublier … la charlotte.
Alors, alors … petit repérage du labo : les entremets, c’est par ici, le tour (la pièce où l’on prépare toutes les pâtes, les viennoiseries ...), c’est par là, le four et le feu, this way, l’économat (la réserve), that way.

Quelques minutes ont passé et on est déjà au cœur du sujet de ce qui fera mon quotidien pour un petit moment : tous les matins, à partir de 6 heures, il faut préparer les commandes qui partiront vers 8h30 heures, et anticiper sur les gâteaux qui seront vendus au salon, selon la période, et surtout, le temps qu’il fera dans la journée. Car un jour de pluie, au mois d’août ou non, c’est peut-être crispant, mais ça veut surtout dire que les badauds se réconforteront avec une tasse de chocolat chaud fumant et une petite pâtisserie - sans même une petite pensée pour les modestes apprenti(e)s, et donc qu’il faut s’activer sur la production.

Allez, allez, faut taper dedans - comme ils disent !
On assemble les Olympes - macaron à la violette cristallisée, gelée de fraise et framboise, crème mousseline à la violette, framboises fraîches, on poursuit sur les fraisiers, les tartelettes fraise-rhubarbe, chocolat-framboise, citron, fruits du hasard, les Passiflores - savarin, sirop au fruit de la passion, Chantilly au chocolat blanc et zestes d'agrumes, les religieuses, les éclairs, les Saori - cheesecake au citron vert, gelée de fraise, mousse au cream cheese, sablé citron vert, coque au chocolat blanc, guimauve à la fraise, on tranche les tropéziennes, on colle les macarons, on coupe le feuilletage, on poche la crème des mille-feuilles, on décore à la feuille d’or ou d’argent, on place les étiquettes, et on continue, on continue jusqu’à ce que le salon soit pourvu pour la journée.
Après, on peut s’occuper de préparer les bases : les crèmes, les gelées, les confitures, les sirops, sans oublier le fameux chocolat chaud.
« Hé, Cookie, tu t’occupes de lancer une tournée de chocolat ! » Voyons voir la recette … ah oui, presque 40 litres de lait, tout de même ! Je me lance donc, et j’apprends par la même occasion l’astuce pour ouvrir un pack de 6 litres de lait en 22 secondes – et il faut bien avouer que ça pourrait m’être diablement utile dans l’optique d’un éventuel stage chez les Castors Junior.
Il faut refaire une confiture d’abricot, pas de problème, j’y suis. Mais, oups, 10 kilos de fruits, 5 kilos de sucre plus 10 kilos de casserole à transporter sur le feu = Cookie en situation critique.
Je n'ose même pas parler des 30 kilos de crème pâtissière à remuer, j'en transpire rien qu'à y repenser. « T’inquiète, d’ici quelques mois, t’auras des épaules de déménageur ! » Ah, et ben en voilà une nouvelle qu’elle est bonne.

10h45, on m’informe que c’est l’heure du déjeuner. Désolée mais le poulet frittes ou le pavé de bœuf sauce au poivre à 10h45, dans l’idée, ça va pas passer. Dans les faits non plus, d’ailleurs. Pas grave, ça me laisse le temps de sortir quelques minutes à la lumière du jour.
Et puis ça reprend. Pocher, trancher, assembler, coller, décorer …
Je me lance dans la nouvelle tournée d’Olympes ; je poche la crème, je place la gelée, je …
"Hé, tu les as pris où les gelées ? - Heuuuuu, au congel … - Et tu les as remis où ? - Heuuuuu, dans la chambre froide. … ? - La chambre, c’est en positif !"
J’avais envie de dire Ah bon ? Parce qu’il fait un froid de pingouin là-dedans ! mais je me suis cachée sous ma charlotte en silence.

Vers 14h30 - 15h30 dans les mauvais jours, l’heure du nettoyage a sonné. On lave à grande eau, on balai-brosse avec le sourire (« quand t’as de la sueur qui dégouline du front, c’est que c’est propre »), on racle, on astique. Puis on réenfile sa tenue civile, on se regarde dans la glace (mais pas trop quand même, cause spectacle peu glorieux) : on sourit !
Bilan au J1 : ambiance cordiale, température parfaite, calme, fatigue modérée … et ben c’était pas si terrible !
Première erreur de débutante. Car les jours suivants m’ont vu perdre 75 litres de sueur et prendre 9 kilos de muscles, cause température avoisinant les 88°C à côté des fours, dizaines et dizaines de plaques en fonte à porter, moult et moult kilos de crème à remuer, et tout ce qui fait le quotidien d’un laboratoire de pâtisserie d’assez grosse production.


Mais c’est ainsi, on ne rechigne pas, on poursuit avec entrain, et la fin de la journée
est là, laissant l’après-midi pour se requinquer et raconter tout ça à ceux qui sont en train de se faire dorer la pilule. Oui, tout se passe bien, oui, j’apprends chaque jour de nouveaux gestes, de nouveaux trucs et astuces, l’importance de l’organisation et de la concentration, tout ça dans une bonne ambiance, même s’il faut être rapide et rigoureux. Je ne cache pas que la fatigue me submerge quelque fois, même si je sais qu'on s'y fait.

Le soir, une soupe, un Dîner presque parfait, et Oh oh, bizarre, il fait encore jour et mes paupières sont lourdes, très lourdes. Il est 21h33, je m’écrase comme une mouche sur mon oreiller (si le spectacle d’une mouche s’écrasant lamentablement contre son oreiller vous est inconnu, je vous le recommande chaudement, c’est de la distraction de haut vol). Et hop, un bruit strident m’informe qu’il est l’heure, et c’est reparti.
Je monte sur mon vélo – fini le vélib’, j’ai accédé à la propriété, car j’apprécie l’effet d’écarquillage oculaire maximal en vue d’un réveil énergique et motivé, et me lance sur les routes pas si désertes que ça. Oui, parce qu’à 5 h, Paris s’éveille certes, mais certain vont aussi se coucher – et il vaut mieux pour eux, rapport à leur faciès ahuri et leur haleine que je suppose peu engageante.

Un jeune homme est au milieu de la route et fait signe. Comme je suis ultra serviable, même à cette heure indécente, je m’informe de sa requête. Oui, le métro Temple, c’est par là ; non, la droite, c’est par là, pas par là. Et qu’est-ce que je fais, là ? Et ben je vais travailler, bonne nuit.

Ça y est, mes deux premiers jours de repos sont arrivés. Enfin non d'ailleurs, ils sont déjà terminés, je rentre de ma première journée de la semaine. Vermoulue je suis. Déplacer les phalanges pour pondre ces quelques lignes m’a paru un effort inconsidéré. J’ai faim. Après avoir vu passer toute la semaine des centaines de macarons, des hectolitres de chocolat chaud, des tonnes d’entremets et des milliers de Mont-Blanc, j’ai besoin de salé.
Mais le sucré reviendra vite car, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, le sucre est une drogue douce qui rend assez vite dépendant … Voici donc un petit caviar de poivron rouge aux noix, curcuma et cumin, accompagné d'une tuile au parmesan et au sésame noir.
Dernier mot : je vous remercie pour vos messages encourageants qui m'ont vraiment fait très plaisir, surtout quand je les lisais avant de partir le matin.


***
Caviar de poivron aux noix, curcuma et cumin, tuile au parmesan et sésame noir

Pour 2
2 poivrons rouges
Quelques noix (une dizaine)
2 gousses d’ail
½ cc de cumin
1 cc de curcuma
sel, poivre

Tuile :
1 beau morceau de parmesan
1 cc de sésame noir

Cuire les poivrons à four chaud (180/200°) pendant ½ heure. Les monder, les épépiner et les mettre dans le récipient d’un mixer. Eplucher et écraser les gousses d’ail en purée, ajouter au poivron. Ajouter le cumin, le curcuma, sel et poivre. Mixer (pas trop non plus). Ajouter les cerneaux de noix hachés. Réserver.

Tuiles :
Préchauffer le four à 180°.
Râper finement le parmesan. Sur une feuille de papier sulfurisé, étaler le parmesan en cercle sur une très fine couche (j’ai utilisé un cercle). Parsemer d’un peu de sésame noir. Passer au four quelques minutes, jusqu’à ce que les tuiles soient dorées (attention à ne pas les laisser trop longtemps, le parmesan deviendrait amer).
Laisser refroidir quelques minutes et décoller à la spatule.

19 commentaires:

  1. Que de travail !! Ca doit être tellement intéressant. Bonne chance pour la suite :-)

    Et ton caviar de poivron rouge doit être une pure merveille !

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  2. je doute avoir suffisamment de courage et de force physique pour survivre à ça :)
    Tu as l'air de t'en tirer comme un chef ! Bravo :)

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  3. Quel rythme! Je suis déjà crevée rien qu'à lire ton récit, alors je me demande bien si je pourrais être à la hauteur... En tout cas, bravo pour ton courage, et accroche toi, tu vas devenir une vrai pro!

    ps: les descriptions de pâtisseries me donnent furieusement envie de retourner chez Angelina, je ne connais que leur mont blanc (fort délicieux, d'ailleurs!), mais j'ai bien envie de toutes les découvrir!

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  4. Je ne viens pas assez souvent chez toi, j'ai tort... je viens de passer quelques minutes plus qu'agréables à te lire... tu sais quoi? Je vais revenir beaucoup, baucoup plus souvent!

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  5. Quel courage! Ce n'est pas facile du tout de tenir ce rythme!

    J'adore ton caviar et ces superbes tuiles! Miam!

    Bises,

    Rosa

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  6. Juste ce petit message pour te dire toute mon admiration et t'envoyer du courage pour les autres semaines à venir.

    Je suis certaine que la charlotte te va très bien.

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  7. je suis impressionnée mais aussi tout à fait passionnée à la lecture de tes aventures en charlotte ; je me réjouis de la suite, t'admire pour ces levers matinaux, et le courage de faire encore des jolies tuiles pour aller avec les poivrons.
    amitiés berlinoises,
    betterave

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  8. des kilos de sucre, des litres de crème, des centaines d'oeufs... merci de partager ces expériences harassantes... j'ai l'estomac qui gargouille rien qu'à la description des petits fours...
    de sûr, j'aurais une pensée toute particulière pour tous ceux qui sont derrière ces délices la prochaine fois que je succomberai...
    bravo pour toute cette énergie.
    "on sourit"...
    prendre plaisir à cette fatigue, parce qu'on apprend et qu'on est juste bien où on est.
    je continue à suivre tes aventures... et je teste ton caviar, ça a l'air trop bon...

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  9. Merci pour cette chronique vivante qui nous permet d'imaginer ce qui se passe de l'autre côté. Bon courage pour la suite!

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  10. voilà pourquoi je ne pourrais jamais faire ce que tu fais tous les moments. me lever pas de problème, mais je pense que tu perds la magie de la fabrication des petits gâteaux et la répétition de tous ces gestes quotidiens me tuerait. bon courage et fais nous encore des petites tuiles salées comme celles-ci.

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  11. Je viens de découvrir ton récit. Je ne connais pas Angelina, j'imagine juste un temple du sucré!!!!!!!!!! J'imagine que ça ne doit pas être évident mais éminement gratifiant de penser que ces bonnes choses seront servies avec la délicatesse qui sied aux oeuvres d'art. Je t'envoie des kilos de sommeil, moi!
    Bisous,
    Lisanka

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  12. Je viens de découvrir ton récit. Je ne connais pas Angelina, j'imagine juste un temple du sucré!!!!!!!!!! J'imagine que ça ne doit pas être évident mais éminement gratifiant de penser que ces bonnes choses seront servies avec la délicatesse qui sied aux oeuvres d'art. Je t'envoie des kilos de sommeil, moi!
    Bisous,
    Lisanka

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  13. Il faut une sacrée dose de courage et de motivation, je m'incline devant une si belle énergie ! Tiens bon, les muscles sont en train de se faire ;-) (et merci pour ces belles recettes)

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  14. Impressionnant ! Et tu trouves encore la force de popoter tes jours de repos, çà n'est plus de l'amour, c'est de la rage ! ;-p

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  15. Entrer chez Angelina, de si bon matin , je t'envie. Avant de te faire les muscles, tu dois en prendre pleins les yeux et les narines. J'espère que tu a droit à un café/croissant pour démarrer la journée. Je te souhaite bon courage pour la suite.

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  16. Woww bravo pour le boulot chez Angelina ! et bravo aussi de bosser chez eux.

    En tout cas wow si j'y viens faire un tour... et bien pas de doute je penserai à toi !!!!!!

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  17. Mille mercis pour ces mots et encouragements (sans oublier les kilos de sommeil fort bienvenus)
    La quatrième semaine a commencé : jusqu'ici, tout va bien ...
    L'école commence la semaine prochaine : wait and see :-)

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  18. ça donne vraiment envie de passer les portes d'Angelina et pourtant je ne suis pas un bec sucré. Tiens bon et dans 1 mois encore tu auras un physique de terminator (je plaisante)!bizz

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